- Rodier, vous commencez sérieusement à m’embêter avec cette histoire, maugréa-t-elle entre ses dents tout en fusillant du regard cet idiot de conseiller du regard. Vous n’avez pas un dossier plus intéressant que celui concernant ce pseudo « gamer » à me présenter ? Car si ce n’est pas le cas c’est aux rats d’égout que vous allez finir par faire la conversation, reprit-elle avant de lui lancer à la figure ce stupide porte documents dont elle n’avait que faire. Ceux qui se trouvaient autour de la table ne se formalisèrent pas de cet éclat de voix et levèrent à peine les yeux lorsque le jeune homme qui venait de recevoir son dossier en plein figure s’éclipsa en courant.
Elisabeth fit une pause de quelques secondes et se massa les temps en soupirant, épuisée qu’elle était par ces réunions à répétition. D’autant que depuis un moment elle ne fermait pour ainsi dire plus les yeux durant ses courtes nuits. Son esprit était beaucoup trop occupé. Sans savoir pourquoi elle avait une sensation de vide, comme si quelque chose lui manquait. Un objet ? Elle n’en savait rien. La ministre était tout simplement incapable de définir ce qu’elle avait perdu. Ou ce qui lui avait été volé. Et cela l’obsédait littéralement. Comme la journée elle n’avait pas réellement le temps d’y penser, elle passait ses nuits à tourner en rond tout en se demandant ce qui s’était subitement volatilisé.
Et soudain, en pleine réunion et sous les yeux ébahis des ministres et autres secrétaires d’Etat, elle disparut à son tour. Pour se retrouver en une fraction de seconde dans un endroit qui lui était totalement inconnu. Au milieu d’un espace parfaitement circulaire et délimité par des dolmens de tailles inégales. Son premier réflexe fut de remettre sa tenue et ses cheveux tirés en un chignon en ordre. Le second fut de paniquer. Paniquer car elle venait d’être littéralement téléportée dans un lieu qui ressemblait à tout sauf à Londres. Paniquer car une voix sourde s’élevait à présent dans les airs.

- C’est quoi ce délire, se mit-elle à hurler dans le vide, complètement désemparée par la situation. Elle regardait avec anxiété tout autour d’elle, guettant une quelconque présence mais sans jamais voir personne arriver. Lorsque l’entrée de la mystérieuse cave s’ouvrit, elle fut parcourue d’un sursaut tel qu’aucun son de peur ne fut capable de sortir de sa bouche. Contre toute attente elle n’hésita pas longtemps avant d’emprunter ces escaliers qui menaient sous terre. Ses talons s’enfonçaient dans la terre et à plusieurs reprises elle manqua de tomber avant d’arriver devant un écriteau.

- C’est quoi ce délire, répéta-t-elle presque en sanglots en voyant une table remplie d’armes qui n’en étaient pour la plupart pas vraiment. Bâton, sandwich, même une baguette magique était posés ici. Elisabeth resta un moment interdite, à retenir avec grand mal des larmes d’angoisse, avant de prendre une longue respiration afin de reprendre son calme.
- Calme toi Babeth, calme toi, dit-elle à voix haute à sa propre intention, ce qui se révéla plutôt efficace car ses mains s’arrêtaient enfin de trembler.
Elisabeth pouvait maintenant songer à arrêter son choix sur une arme. Elle attrapa dans un premier temps l’arme à feu, jugeant qu’il n’y avait ici rien de plus efficace pour se défendre, avant de se rendre compte qu’elle était déchargée. Par dépit elle se rabattit sur le poignard.
- Bon. Quand faut y aller, faut y aller, soupira-t-elle avant de s’engouffrer dans les boyaux sombres de la grotte. Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle allait découvrir à l’intérieur et était tout sauf impatiente d’avancer plus loin. Mais elle n’avait visiblement pas le choix.

Elle avait au moins une demi-douzaine de raison de piquer une crise de nerfs, maintenant, tout de suite. La plus évidente étant qu'Elisabeth était sérieusement très peu rassurée par ce qui était en train de lui arriver. A noter que la pire résultait du fait qu'à cause de cette avancée toute aussi boueuse que laborieuse, tant ses chaussures que sa robe hors de prix étaient totalement ruinées. Et ne parlons pas de ses cheveux qui la suppliaient silencieusement de faire cesser ce calvaire.
Mais elle se voulait forte, Elisabeth Boleyn, et courageusement elle continuait d'avancer dans ces méandres qui lui semblaient sans fin. Et dangereux. Car à de nombreuses reprises elle manqua de tomber dans le vide, ou encore esquiva de justesse une pierre qui semblait tomber de nulle part.
Heureusement -du moins de son point de vue actuel- elle arriva finalement dans un endroit qu'elle prit dans un premier temps pour la fin de sa tortueuse aventure. Mais ce n'était rien de plus qu'une espèce de boutique souvenir abandonnée. Mais c'était tout de même très étrange... Que venait faire une boutique de souvenirs vide au fond d'une grotte miteuse ? Plutôt que de se poser mille et une questions, et de toute façon elle s'était résolu à passer une journée dont elle ne capterait jamais le sens, elle préféra ignorer royalement le drôle d'individu qui se lamentait bruyamment. Elisabeth ne fit même pas attention à sa première remarque, trop occupée à chercher un moyen de sortir d'ici. Moyen qui restait à ses yeux inexistant.
Super. Elle se trouvait coincée dans un magasin vide, parfaitement sinistre et délabré et n'avait aucune envie de faire demi-tour. Alors qu'elle continuait d'examiner la situation, sans pour le moment trouver de solution satisfaisante, le propriétaire des lieux fut pris d'un souffle nouveau. Sentant sur elle son regard quelque peu lourd, et comprenant vite que c'était à ce qu'elle tenait dans la main gauche qu'il en voulait, elle se tourna vers lui pour à son tour le regarder de haut en bas. La première chose que la ministre se dit intérieurement était qu'il avait l'air bien réel, quoique complètement fou.

- Vous savez … Il existe un moyen de rouvrir la Caverne, lança-t-il alors, ayant à cet instant l'immense honneur de retenir l'attention d'Elisabeth. Pour que vous puissiez vivre cette expérience unique que seule la Caverne peut vous offrir. J’ai juste besoin d’un tout petit truc à vendre. Juste un.

Elle hésita en instant. A son regard presque lubrique c'était après son arme qu'il en avait. Mais si elle devait aller plus loin dans cette singulière et incompréhensible Caverne, peut-être en aurait elle encore besoin... Quitte à lui donner quelque chose, autant que ce soit un objet dont elle n'aurait assurément pas l'utilité aujourd'hui.

- Si je vous donne quelque chose vous m'expliquerez comment sortir d'ici, demanda-t-elle, toujours très pragmatique. Car dans ce cas là vous pouvez prendre ceci, ajouta Elisabeth en détachant ses boucles de ses oreilles afin de les lui tendre. Les rubis, ça se trouve bien dans les cavernes, non ? Donc ça vous ferait un parfait souvenir à vendre.

Raisonnement implacable. Il aurait été idiot d'accepter un vulgaire poignard lorsqu'on lui proposait un bijou extrêmement précieux. A présent, s'il avait un minimum de bonne conscience, l'homme ne tarderait pas à lui dire comment sortir d'ici, et dans quelques minutes à peine elle serait de nouveau à la surface. Mais quoique c'était ce qu'elle souhaitait plus que tout, Elisabeth doutait au fond que les choses se fassent aussi facilement.