16 Septembre 2163

Les cours n’avaient repris que depuis deux semaines, et voilà que je me faisais déjà remarquer. Il ne m’avait même pas fallu quinze jours pour me retrouver sous le feu des projecteurs. Contrairement aux consignes qui m’avaient été données, je n’avais pas gardé mes distances et m’étais royalement défoulée sur l’une de mes camarades qui, contrairement à moi, ne savait absolument pas se défendre. Elle avait évidemment fini à l’infirmerie, ensanglantée et dans les vapes, ce qui m’avait valu une énième heure de colle. Décidément, depuis mon arrivée à Poudlard, je les collectionnais. Comme si c’était de ma faute si cette ahurie n’avait aucun réflexe et s’était pris plusieurs coups de couteau un peu partout. Plus j’y repensais, et plus je me disais que l’école buissonnière était vraiment une bonne idée et qu’il faudrait que je m’y remette. Chaque fois que je mettais les pieds dans une salle de classe, je m’en prenais plein la figure, alors autant rester loin des ennuis, je les attirais déjà bien assez comme ça. Enfin, j’avais tout de même de sacrées motivations : la vengeance. Voir sa petite amie se faire descendre devant ses yeux, par une saloperie de sorcière qui se prend pour Dieu, ça éveillerait les plus bas instincts de n’importe qui. J’attrapai donc nonchalamment le petit bout de papier sur lequel était inscrite ma retenue : de dix-sept heures et dix-neuf heures, l’après-midi même. Voilà de quoi foutre en l’air ma journée. Enfin peu importe, de toute façon je n’avais pas grand-chose de bien intéressant à faire.

A quinze heures, j’avais fini les cours. J’observai la foule d’étudiants déblatérer de leurs petits problèmes personnels, blasée. Que l’on tende l’oreille d’un côté ou de l’autre, les seules discussions que ces débiles mentaux semblaient pouvoir tenir concernaient les filles/mecs, les fringues, l’argent ou le sexe – pour ceux qui ne pestaient pas contre les autres races, du moins. A choisir entre les deux, je crois que je préférais même la première catégorie. Ils ne voyaient pas plus loin que leur nez, mais au moins ils ne se croyaient pas supérieurs sans raison. Petit à petit, l’Académie retrouva son calme, la foule se dispersant un peu partout. C’était bien beau, tout ça, mais moi j’avais encore deux heures à tuer, du coup. Je farfouillai machinalement dans ma poche et en sortis une cigarette, que j’allumai à l’aide de mon briquet. L’espace d’un instant, l’ennui me poussa presque à mettre le feu quelque part, mais je me ravisai, me contentant de souffler un halo de fumée. Il n’y avait plus un chat, les uns étant rentrés chez eux, les autres étant toujours en cours.

Bien que d’affreux nuages gris cachent le soleil, je m’assis tranquillement contre un arbre, entre deux bouffées de nicotine, et allumai mon MP3. Je fermai les yeux, m’imprégnant de la musique, et me surpris même à chantonner quelques notes. J’étais complètement déconnectée du monde, comme dans un clip. Je m’imaginais sur la scène, à m’époumoner, apaisée. Mes doigts tapotaient légèrement l’herbe fraiche, battant la mesure, et mes lèvres oscillaient, parfait playback des chansons qui défilaient. L’atmosphère était parfaite : il ne faisait ni trop chaud, ni trop froid, et je finis même par m’endormir. Une heure et demie plus tard, une nouvelle vague d’étudiants en tout genre me sortit des bras de Morphée. C’est bruyant, ces sales bêtes ! Enervée, je décidai de me rendre dès maintenant dans la salle qui m’avait été assignée, puisque je n’avais aucune envie de rester ici. Je fumai tout de même une dernière cigarette, puis retournai au Château.

J’avais rendez-vous dans la Salle sur Demande, ce qui était une première. En y réfléchissant un peu, c’était assez effrayant, d’ailleurs. Personne ne nous trouverait ici, ce qui laissait le champ libre à mon surveillant. Un léger sourire étira mes lèvres. Avec un peu de chance, cette heure de colle ne serait pas aussi ennuyeuse que les précédentes. Peut-être qu’il se passerait quelque chose, pour une fois, et que je ne passerai pas deux heures à fixer le plafond ou à faire des combats de regard avec un pion hideux. J’étais pas mal en avance et, les yeux toujours à moitié fermés, je m’assis sur une chaise et plaçai ma tête dans mes bras. Le calme avant la tempête, comme on dit. Autant se reposer tant qu’on le peut encore…

Je fus –bien trop rapidement à mon goût- sortie de mes songes par une odeur nauséabonde de cigarette. Oui, je fumais comme une camionneuse, mais je n’appréciais pas particulièrement l’odeur de la clope pour autant. Je relevai calmement la tête, pour découvrir une silhouette floue me dévisager. Il me fallait un certain temps d’adaptation, après avoir gardé les yeux fermés aussi longtemps. Et bien, voilà qui commençait dans les meilleurs termes possibles. Mon interlocutrice se présenta. Je ne l’avais jamais vue, pour la simple et bonne raison qu’il était plutôt rare que les moldus suivent les même cours que les sorciers. Cette saleté de brune qui ne manquait pas de se prendre pour ce qu’elle n’était pas devait faire partie de tous ces imbéciles qui se croient supérieurs parce qu’ils n’ont qu’à agiter leur baguette magique pour parvenir à leurs fins. Personnellement, je n’avais jamais cédé à la facilité, et cette énergumène qui me faisait face ne me faisait pas peur, malgré son air hautain et son ton condescendant. Si elle pensait m’effrayer aussi facilement, elle se mettait le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Et encore, c’était vite dit.

Katelyn – Katelyn Lauren O’Dwyer, étudiante en dernière année chez les Gryffondors, parcours Sport et Combat.

Bah quoi ? Elle s’était présentée, mon tour. De toute façon, elle devait déjà connaître ces informations. Je ne comprenais pas pourquoi un professeur totalement étranger à mon cursus se retrouvait coincé à surveiller une moldue, surtout vu la haine que l’intéressée semblait éprouver pour ma race, mais ce n’était pas de mon ressort. Comme je m’en doutais, Miss Black n’hésitait pas une seconde à se servir de sa baguette, même si un simple mouvement aurait fait l’affaire. Je me levai donc, le sourire aux lèvres.

Katelyn – Dites, c’est parce que vous privilégiez la baguette au sport que vos poignées d’amour ressortent autant ?

A vrai dire, je n’avais même pas pris la peine d’y regarder d’assez près pour déceler une quelconque forme de gras superflu chez ma tyran attitrée, mais ma répartie ne me laissait généralement pas assez de temps pour ce genre de formalités. Je décidai donc finalement de porter mon entière attention sur la jeune femme. Ouais bon, elle n’avait pas plus de rondeurs que moi, mais j’espérais tout de même que ma petite provocation porterait ses fruits. Après tout, il est rare qu’une femme aime se faire insulter de la sorte. Quand mon regard se porta sur son visage, je ne pus m’empêcher de hausser un sourcil. L’inconnue me rappelait vaguement quelqu’un, mais impossible de remettre la main dessus. C’était assez étrange comme sensation. Comme si ma mémoire avait volontairement décidé de me faire oublier cette garce. Plus j’essayais de me souvenir des circonstances dans lesquelles je l’avais rencontrée, plus son souvenir s’éloignait. Hhm.. Bon, si l’approche indirecte ne fonctionnait pas, peut-être que l’approche directe serait plus fructueuse. Autant le lui demander directement.

Katelyn – Je suis sure de vous avoir déjà vue quelque part… On s’est déjà croisées, pas vrai ?

C’était une question purement rhétorique puisque, comme je venais de le dire, j’étais sure et certaine de l’avoir déjà vue, mais j’attendais de voir quelles informations supplémentaires cette très chère professeur de Défense contre les Forces du Mal –qui, d’ailleurs, devait sans doute être adulée de ses élèves, ahem- avait à m’apporter. Avec un peu de chance, elle arrivait peut-être à me replacer, elle.
Ahah. Cette andouille avait été commise d’office pour me surveiller, mais elle ne savait même pas pourquoi j’étais là. Décidément, l’information ne se transmet pas plus rapidement à Poudlard que chez les moldus, et il faut toujours tout répéter un nombre incalculable de fois. Je soupirai, à la fois exaspérée et amusée par la situation. Bien que je n’apprécie pas me répéter encore et encore, l’idée de me vanter de mes exploits ne me déplaisait guère. Je plongeai donc mon regard dans celui de mon interlocutrice.

Katelyn – Je me suis battue avec une pouffiasse incapable de se défendre, elle a finit à l’infirmerie et moi en retenue. Vous voulez plus de détails ou ça ira ?

Je pouvais aussi bien lui faire revivre la scène, je n’y voyais pas d’inconvénient. Me fighter avec un prof m’attirerait certainement pas mal d’ennuis et de nouvelles heures de colle, mais je commençais à m’y habituer. Je n’avais probablement pas mes chances face à une sorcière bien plus vieille et expérimentée que moi, mais je ne craignais absolument pas la douleur, et quelques égratignures ne m’effrayaient pas non plus. Le sourire aux lèvres, j’attendis donc patiemment sa réponse.

Mon petit sourire en coin ne quittait pas mes lèvres. Mon interlocutrice avait préféré tout simplement ignorer mes provocations, ce qui risquait de rendre les choses bien plus amusantes. Si ses punitions idiotes ne m’effrayaient pas et que mes piques sanglantes ne la dérangeait pas, les deux prochaines heures allaient être bien plus longues qu’à l’accoutumée. Nous n’allions ni l’une ni l’autre pouvoir en profiter pour se défouler. Enfin peu importe, je savais que l’une de nous finirait bien par lâcher, et ce ne serait certainement pas moi. Miss Black se dirigea alors naturellement vers le bureau et en sortit un stylo et du papier. Ahah, si elle espérait me faire recopier des lignes et des lignes, elle pouvait toujours espérer. De toute façon, avec mon écriture pourrie, j’aurais même pu me contenter de gribouillis que personne n’aurait fait la différence. J’avais bien souvent beaucoup de mal à me relire moi-même, et je m’étais toujours demandé comment faisaient les profs…

La réponse de la pionne chargée de me surveiller ne me convenait pas tout à fait. Soit elle se souvenait d’autre chose et ne voulait pas me le dire, soit elle avait purement et simplement oublié, tout comme moi. Pourtant, je savais que notre première rencontre n’avait pas eu lieu à Poudlard… Peut-être que cette énième colle en sa compagnie me raviverait des souvenirs… En attendant, je me contentai de hausser les sourcils une seconde fois et d’acquiescer d’un bref signe de la tête. Pas la peine de remuer le couteau dans la plaie, elle ne m’en dirait probablement pas plus de toute façon.
Cette fois-ci, ce fut ma propre réponse qui ne sembla pas satisfaire Ev’. Cette dernière soupira, blasée. Bon, c’est vrai que se retrouver en retenue pour s’être battue, pour une étudiante en Sport et Combat, c’est tout sauf original, mais bon. Au moins, je m’étais bien amusée, et cette gamine pleurnicharde éviterait peut-être de s’en prendre à moi sans me connaître.

Apparemment, la professeur de Défense Contre les Forces du Mal avait finalement trouvé une punition adéquate. Elle me demanda de la suivre, ce que je fis sans broncher. J’attrapai mon sac toujours exposé en désordre sur le sol, et avançai en direction de la sortie. Il faisait bon dehors, et je n’attendais que ça, foutre le camp de la Salle sur Demande. La jeune femme m’annonça alors que nous nous dirigions vers la Forêt Interdite. De mieux en mieux ! Enfin un peu d’action ! Un large sourire apparut sur mes lèvres. Si j’y étais déjà allée ? Un bon millier de fois ! Toutes mes petites escapades nocturnes se passaient dans cette fichue forêt. Même quand je n’avais pas prévu d’y aller, un réflexe malsain m’y propulsait et je m’y retrouvais sans même me souvenir d’avoir été dans sa direction. Oui, c’était dangereux et truffé de bêtes sauvages dures à mater sans baguette magique pour tout arranger, mais c’était précisément ça qui m’attirait : le danger, l’incertitude. Rien de tel qu’une bonne bouffée d’adrénaline pour dormir comme un bébé par la suite et ne plus souffrir de ces saletés d’insomnies. Je me tournai donc vers mon interlocutrice.

Katelyn – Oh oui j’y suis déjà allée. Je crois que c’est l’endroit que je préfère dans tout Poudlard.

Quelque chose me disait que, si la tentative de Miss Black n’était pas de me faire peur, j’allais très vite changer d’avis quant à mon attrait pour cet endroit. Je n’allais pas tarder à savoir ce qu’elle attendait de moi, de toute façon. Après avoir emprunté les escaliers mouvants menant au rez-de-chaussée, et avoir passé le seuil du Château, je continuai naturellement en direction de la Forêt. Je sortis tout de même une cigarette de mon sac, et en proposai même une à ma surveillante, par pur réflexe. Je lui tendis le paquet. Je savais qu’elle fumait, au vu de l’odeur qu’elle avait dégagée en rentrant dans la Salle sur Demande.

Katelyn – Vous en voulez une ?

Sans même attendre sa réponse, j’allumai ma clope à l’aide de ma main encore libre, et tirai deux/trois taffes.

Je ne savais pas ce que Miss Black m’avait préparé, mais quelque chose me disait que je risquais de ne pas apprécier. Son petit rictus amusé lorsque je lui appris que j’avais bel et bien déjà mis les pieds dans la Forêt Interdite, et pas qu’une fois, ne présageait rien de bon. Quoi qu’il en soit, je ne me laissai pas démonter et continuai à marcher, m’enfonçant de plus en plus profondément dans la noirceur de la Forêt. Hormis le bruit du vent qui titillait les feuilles et les branches qui craquaient sous nos pas, il n’y avait pas un bruit. Nous étions seules, il n’y avait pas l’ombre d’une sale bête autour de nous – pour le moment du moins.

Je proposai alors une cigarette à la jeune femme, qui s’empara de celle que j’avais déjà au bec et l’expédia plusieurs mètres plus loin, avant de lancer un Accio et de faire disparaître le reste de mon stock. Bon, heureusement que l’argent n’était pas un problème, parce que trois paquets d’un coup, ça allait me revenir cher. Je savais pertinemment qu’elle ne me les rendrait pas.
J’attendis donc patiemment que cette chère professeur de Défense Contre les Forces du Mal reprenne la route et, quelques pas derrière elle, mon sourire s’élargit. Je farfouillai donc dans mon sac, loin de m’apitoyer sur mon sort, et en sortis un flash de Vodka. Il devait en rester cinq bonnes gorgées, que je bus cul-sec avant de balancer les restes devant ma surveillante. J’avais pris soin de ne pas faire de bruit jusque-là pour qu’elle ne m’interrompe pas trop tôt : j’avais pleinement réussi mon coup.

Katelyn – Désolée, cette fois-ci je ne vous en ai pas proposé, mais je pense que ça n’aurait pas changé grand-chose.

J’avais le goût de l’alcool encré au fond de la gorge, me demandant si boire maintenant avait réellement été une bonne idée ou si j’allais le regretter… Et je ne tardai pas à être fixée. Une odeur on ne peut plus nauséabonde se fraya un chemin jusqu’à mes narines. Par pur réflexe, je relevai mon t-shirt, dévoilant ainsi le bas de mon ventre, et y enfouissait mon nez. Autant ne pas ouvrir la bouche, dans de telles situations : pas besoin d’ajouter le goût ‘cadavre’ à la carte. Je me tournai vers mon interlocutrice, qui m’annonça que nous nous dirigions droit sur la source de cette odeur immonde. Je la dévisageai, incompréhensive. Il n’y avait qu’une seule chose susceptible de sentir à ce point : une charogne probablement là depuis quelques temps déjà. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire d’une saloperie de cadavre ? Je haussai les sourcils, non sans avoir un haut-le-cœur en pensant à ce qui m’attendait.

Peu à peu, la noirceur et l’ambiance environnantes n’aidant pas, l’alcool que je venais d’ingurgiter un peu trop rapidement se fit sentir. Comme d’habitude, il m’aida à me concentrer sur une seule chose : en l’occurrence cette sensation de déjà-vu lorsque j’étais en présence d’Evely. L’intéressée ne semblait pas me reconnaître, pourtant je restais persuadée de l’avoir déjà vue. Je l’observai donc de la tête aux pieds, la déshabillant presque du regard à la recherche du moindre indice. Je finis d’ailleurs par trouver : son alliance. J’avais déjà vu une alliance similaire quelque part… Je mis quelques secondes à me souvenir de ce qui l’en était et, lorsque je me souvins finalement des circonstances de notre rencontre, mon expression changea du tout au tout. Mon euphorie laissa place à une expression des plus neutres.
Cette espèce de raciste malade mentale n’était autre que la pouffiasse qui avait tué mon ex de sang-froid. Pas étonnant que la majorité des élèves de Poudlard soient intolérants, si même les profs de cette école de magie pourrie cultivent cette haine de la différence. Je n’arrivais plus à réfléchir, il fallait que je me calme si je ne voulais pas que cette imbécile finisse par me reconnaître aussi. Je la revoyais arriver par derrière et poignarder ma petite suceuse de sang… Cette dernière était morte dans mes bras, et il n’y avait rien de pire au monde que de voir la personne la plus importante à nos yeux se faire descendre au beau milieu de la rue, sans raison apparente. Je détournai le regard, et portai à nouveau mon attention sur la Forêt, me jurant par la même occasion que je me vengerai. Pas tout de suite, puisque je n’étais pas complètement inconsciente et que je savais pertinemment que je n’avais aucune chance, mais je savais qu’un jour je serai en mesure de lui faire payer ses crimes, malgré le fait que je sois une moldue.

Le nez toujours dans mon t-shirt, je finis par me casser la figure sur une branche. Bon, bah il aurait peut-être mieux vallu que je regarde où je mettais les pieds, finalement. Au moins, c’était une diversion parfaite. Contrairement à la plupart des gens, je ne me sentais pas honteuse, j’étais amusée. Je ne m’étais pas fait mal, j’avais juste trébuché. Je ne perdis pas de temps et me relevai tant bien que mal, en m’aidant de ma main posée sur une grosse roche. Sans même jeter un regard à ma partenaire improvisée, je continuai mon chemin.