Lily aurait pu naître n’importe où, dans n’importe quelle famille, et le destin, cruel et moqueur, a décidé qu’elle naîtrait chez les Potter. Les Potter, ces fameux protecteurs du peuple, ces gens sur qui s’est fondée la légende, et les bouquins de Rowling, la biographe qui a cru malin de raconter la vie de son non moins célèbre et héroïque aïeul, Harry Potter, fils de James Potter et Lily Evans. Et parce que ses parents ont un sens de l’humour très pointu, et qu’elle était rousse comme une forêt en feu quand elle est née, ils ont trouvé ça rigolo de l’appeler Lily. Comme la mère d’Harry Potter, rousse à n’en plus finir, et comme la fille d’Harry Potter, aussi rousse que sa mamie éponyme et aussi rousse que sa harpie de mère, Ginny Potter née Weasley. En grandissant, Lily troisième du nom démontra qu’il aurait mieux valu l’appeler autrement, par exemple Rose, ou Belle, ou encore mieux, Douce. Ca aurait peut-être adouci son caractère, un nom pareil, car Lily se montra très vite indocile, non, pire que ça, anticonformiste. Coloriez en rouge dans le rond, les enfants ! Et hop, Lily coloriait en bleu hors du rond, parce que faire comme tout le monde c’est chiant, il n’y a pas écrit mouton sur son front non plus. Et devinez qui subissait le plus son caractère fripon ? Son frère, Brandon Potter.

« Bran ? Pourquoi les nuages vont-ils dans un sens et nous dans l’autre ? »

Lily aimait beaucoup poser des questions absurdes. Pourquoi ça, pourquoi ça, pourquoi ça ? Mais elle s’arrêtait dès qu’elle obtenait une réponse suffisante, ou mieux, dès qu’elle trouvait la réponse toute seule. Parce que les questions de Lily étaient tellement bizarres que personne ne pouvait y répondre, hormis elle-même. Pourquoi les nuages vont-ils dans un sens et nous dans l’autre ? Bran lui jeta un regard surpris et lassé. Il n’en avait aucune idée, ne s’était jamais posé la question, et en fait il s’en foutait complètement, à vrai dire.

« Certainement parce que nous ne sommes pas des nuages. »

Il haussa les épaules, et Lily haussa les sourcils. Quoi, c’est tout ? Insatisfaite, elle remonta dans sa chambre et grimpa agilement sur le toit pour regarder le ciel, et les nuages qui voguaient paresseusement vers l’ouest. Pourquoi vers l’ouest ? Parce que le vent allait vers l’ouest. Se redressant sur le toit, elle étendit les bras, même si on lui avait répété et sermonné que c’était incroyablement dangereux de faire ça. Le vent allait vers l’ouest et les nuages aussi. Au bout de quelques instants, son grand frère la rejoignit sur le toit.

« Nous allons dans un sens parce que nous suivons notre propre route. Les nuages suivent la leur au gré du vent, parce qu’ils sont trop légers pour lui résister, alors que nous, oui. »
« Tu es vraiment sûr de ça ? »

Bran leva les yeux vers sa sœur. Il la savait éveillée et têtue, tout comme il savait qu’elle finissait toujours par expliquer le fond de sa pensée, du quand elle le voulait bien.

« Les hommes sont comme les nuages. Ils sont chassés en avant par un vent mystérieux et invisible face auquel ils sont impuissants. Ils croient maîtriser leur route et se moquent de la faiblesse des nuages, mais leur vent à eux est mille fois plus fort que celui qui souffle là-haut. »

Bran ouvrit de grands yeux surpris. Quelle réponse mature et sensée, surtout venant de la part d’une petite fille de cinq ans ! Cependant, Lily finit par baisser les yeux vers son frère et lui envoya un grand sourire.

« Mais cette fois, je préfère ta réponse. »
« Pourquoi ? »
« J’aime pas qu’on me pousse en cachette. »

Bran resta silencieux quelques secondes, et éclata de rire. Puis quand la voix de Gajeel, l’elfe de maison, se fit entendre dans le couloir, ils redescendirent du toit avec souplesse pour s’asseoir sur le lit et se disputer gentiment. Lily, sans s’en rendre compte, venait de mettre le pied sur une voie insaisissable et sinueuse, dans laquelle elle se jetterait à corps perdu. La voie de l’indépendance.



En tant que gardes de la famille royale, les Potter se devaient d’accompagner ces derniers durant leurs déplacements. En tant qu’apprenti garde de la famille royale, Bran était parti avec ses parents qui le formaient au métier. Et en tant que petite fille de dix ans, Lily avait été envoyée en colonie de vacances, vu qu’il était hors de question qu’elle les suive, ou qu’elle reste seule à la maison. Et Lily s’ennuyait déjà. Elle n’était là que depuis trois jours, c’était sensé durer deux mois, et elle avait déjà réussi à s’attirer des ennuis. Comment ? Oh, c’est simple. Cette colonie était infecte. Le genre de truc bien hypocrite pour le rapprochement des races. Soyons tous copains les uns les autres ! Elle aurait accepté cette mièvrerie coulante si on ne leur avait pas tendu des tee-shirts roses à en aveugler un aveugle. D’une voix à peine moqueuse, elle avait demandé s’il n’était pas possible d’être tous copains les uns les autres avec une couleur moins ridicule que ça. Le rose jurait affreusement avec ses cheveux roux. Puis, avec une voix toujours aussi ironique, elle avait dit que si les vampires avaient une petite faim, il leur suffirait d’ouvrir les yeux, ils étaient à peine visibles dans le paysage. Eclat de rire général, sauf de la part des vampires et des moniteurs. Eh bien, quoi ? Parce que c’est une colonie hypocrite sur l’intégration, elle devait arrêter ses conneries ? Puis quoi encore ? Elle voulait bien être pote avec les vampires, mais il fallait quand même dire les choses telles qu’elles sont, les vampires boivent du sang humain, pas du sirop de grenadine sous vide. La porte du dortoir s’ouvrit, et une rousse y pénétra, lui jetant un coup d’œil furtif avant de se laisser tomber sur son lit. Surprise, Lily tourna la tête et se redressa pour regarder la fille. Luna, qu’elle s’appelait, comme son second prénom à elle, du coup c’est facile à retenir.

« Hey. T’as un problème ? »
« Non, ça va. »

Lily l’entendit très distinctement renifler. Du genre, ravaler ses larmes. Quand elle se pencha un peu, elle la vit pleurer. Se redressant souplement, elle attrapa son sac et alla s’asseoir sur le lit de sa camarade de dortoir. Cette dernière leva vers elle des yeux brillants, avant de les écarquiller en la voyant verser sur le lit le contenu de son sac. Des bonbons. Sorciers, bien sûr, Lily n’a jamais goûté le moindre bonbon moldu, il n’y a pas ça de par chez elle. Sans lui demander son avis, Lily attrapa un paquet de Fondants au Chaudron pour l’ouvrir et le verser sur une feuille de papier, histoire de ne pas salir le lit. Après un instant d’hésitation, Luna en attrapa un et le fit tourner entre ses doigts.

« C’est à cause de la brune avec qui tu es arrivée ? »
« Comment tu le sais ? »
« Tu as passé ces trois derniers jours à la regarder avec tristesse, donc ça doit être une bonne copine à toi, vous vous êtes disputées, elle te boude, elle a réussi à se faire plein de copains, et toi tu es toute seule. »

Luna hocha la tête, et une nouvelle larme glissa le long de l’arête de son nez. Sans s’émouvoir, Lily attrapa une petite tablette au fond de son sac et en coupa une ligne pour la donner à Luna, piquant dans ses doigts le Fondant au Chaudron qu’elle goba aussi sec. Placidement, Luna mordit dans le chocolat, et son expression changea, passant de la tristesse à l’extase la plus totale. Le chocolat fut rapidement englouti.

« C’est du chocolat magique, ça vient de chez Honeydukes. Mon frère m’en a offert en revenant de Poudlard. Tu en veux encore ? »

Comme Luna hochait la tête, des étoiles dans les yeux, Lily sortit le reste du chocolat, ainsi que les plumes en sucre, des patacitrouilles, des chocogrenouilles, et tout plein de cochonneries magiques. Luna hallucinait devant la quantité de bonbons. Eh, quoi, Lily avait bien prévu de tuer le temps pendant deux mois ! Mais sa camarade découvrait les bonbons magiques pour la première fois et avait bien envie de tout goûter. Pendant l’heure suivante, les deux rousses sympathisèrent, éclatant de rire quand la grenouille en chocolat de Luna sauta par la fenêtre, ou encore quand la moldue mordit à pleine dents dans une dragée surprise goût poubelle pour tout recracher en crachotant. En une heure, Luna avait expliqué à Lily sa relation avec Rose, pourquoi elle était en colère contre elle, le fait qu’elles venaient d’un orphelinat, tout ça. Et Lily lui raconta sa vie en échange, et la pression qu’elle subissait à cause de son nom de famille.

« C’est pour ça que tu as cassé le nez de ce type hier ? »
« Attends, c’est super chiant quand les gens s’agglutinent autour de moi parce que je porte le nom de famille d’un type célèbre. Ca m’a soulé, je lui ai collé une trempe pour qu'il arrête de me regarder avec ces yeux de merlan frit. »

Les deux filles se remirent à rire. Au bout de quelques instants, quand elles se calmèrent, Lily vit que sa camarade retombait dans la morosité. Alors elle alla chercher une boîte de cirage dans son sac et la posa sur le lit avec un grand sourire.

« Je ne sais pas ce que tu en penses, mais je trouve que le rose jure affreusement avec mes cheveux. Ca te dirait qu’on résolve ça ? »

Luna regarda le cirage, puis Lily, et sourit à son tour. Elles s’étaient comprises. Le lendemain, Lily et Luna portaient toutes deux un tee-shirt noir, et restèrent collées l’une à l’autre comme si elles se connaissaient depuis toujours, promettant aussi de rester en contact et de ne pas se faire la guerre à cause de leurs pseudos-différences. Finalement, peut-être que ce camp de vacances véhiculant la tolérance marchait pour de vrai.



Lily regardait avec curiosité les élèves moldus. Agée de onze ans, elle devait intégrer une école moldue pendant trois ans, et avait été envoyée à l’école du village, celle de Godric’s Hollow donc, vu que les Potter s’étaient réinstallés dans le manoir Potter se transmettant de génération en génération dans la famille. Depuis son camp de vacances, elle n’avait pas beaucoup vu de moldus, et elle était ravie d’échapper à l’Irlande pour rester dans son village natal. Depuis sa naissance, elle n’avait passé que peu de temps en Angleterre, ses parents devant loger la plupart du temps à Mellow Blue Castle. Elle détestait cet endroit, et faire ses classes en Angleterre la remplissait d’aise. Il y avait tellement de monde ! Elle se faufila agilement dans la foule, cherchant à retrouver son grand frère au milieu de tous ces enfants accompagnés de leurs parents. Mais elle trouva plus intéressant que son frère. Une jolie rousse, qui parlait avec une blonde, les yeux brillants d’excitation. Lily se plaça derrière elle et haussa un peu le ton.

« Un tee-shirt rose avec des cheveux roux ? Par Merlin, les moldus n’ont aucun goût en harmonie vestimentaire. »

Furieuse, la rousse se retourna, prête à coller son poing dans la figure de la sorcière qui venait de la provoquer … Et pila en voyant qu’il s’agissait de Lily, qui lui souriait d’un air mi-ironique mi-ravi.

« Lily ?! »

Lily ouvrit les bras, et se jeta au cou de Luna pendant que cette dernière l’imitait. Rapidement, les deux rouquines se mirent à parler en même temps avec animation, pour se dire toute la surprise et la joie qu’elles avaient à se retrouver par pur hasard. En fait, la seule qui ne semblait pas contente était Rose, qui venait sans doute de comprendre que Luna allait rester avec Lily, et pas avec elle.

« Je ne savais pas que tu vivais ici ! »
« Concrètement, les Potter vivent à Godric’s Hollow depuis sept siècles, dans le manoir Potter que des milliards de blaireaux boutonneux ont visité après la grande révélation, mais j’ai passé plus de temps à Mellow Blue Castle que chez moi. Et toi aussi, tu vis ici alors ? »
« L’orphelinat en bas de la colline, oui ! C’est dingue, on est voisines ! »
« On ne se quitte pas, hein ? »
« Compte là-dessus, tu vas m’avoir sur le dos toute ta vie, maintenant que je sais où tu habites ! »

Le faux geignement de désespoir de Lily fut couvert par les professeurs qui tapaient dans leurs mains. Après un rapide passage au tableau, les deux filles se rendirent compte qu’elles étaient dans la même classe. Bon, bah ça commence bien hein ! Les Potter furent également ravis de voir leur fille revenir avec une camarade de classe, se fichant complètement du fait qu’elle soit une moldue. Et bientôt, Luna passa plus de journées au manoir Potter qu’à l’orphelinat, tellement que Lily finit par la surnommer Luna Potter et la considérer comme sa sœur.



Assise sur un muret, Lily lisait Le Quidditch A Travers les Ages, que son frère lui avait offert pour son dernier anniversaire. Elle s’ennuyait. En ce moment, Luna préférait passer du temps avec Rose, et colle Lily ne supportait pas Rose, elle préférait ne pas rester avec elles, pour éviter un drame aussi tragique que prévisible. Dès le début, Lily avait senti que Rose était une sale manipulatrice, une obsessionnelle en manque d’amour qui ferait tout pour garder sa seule amie, à savoir Luna, et qui de fait n’appréciait pas que Lily devienne amie avec elle. Rose aurait pu essayer de devenir amie avec Lily, cette dernière avait fait le premier pas après tout, mais peine perdue. Lily sentait qu’à un moment ou à un autre, l’hostilité que Rose lui portait atteindrait son paroxysme, et qu’alors Luna serait l’instrument de cette colère. D’ailleurs, Luna venait vers elle à grands pas. Contente de voir arriver son amie, Lily referma son livre pour le glisser dans son sac. Elle avait racheté des plumes en sucre avec sa mère et voulait à tout prix les partager avec son amie, parce qu’elle savait pertinemment que Luna était cruellement pauvre et grandissait dans un orphelinat strict et sévère où elle ne voyait pas beaucoup de sucreries.

« Salut Luna ! Tu vas bien ? »

Le sourire de Lily se fana quand Luna se planta devant elle, les yeux froncés par la colère. Au fond d’elle, elle sentit que Luna allait lui reprocher un fait qu’elle n’avait jamais commis et que cette connasse de Rose lui aurait soufflé dans le creux de l’oreille.

« Je peux savoir pourquoi tu as dit ça à Rose ?! »
« Je peux savoir ce que j’ai bien pu dire à Rose alors que je ne lui adresse jamais la parole parce que je ne l’aime pas et que tu le sais très bien ? »
« Pourquoi est-ce que tu lui as dit que personne ne voudrait d’elle et ne l’adopterait jamais ?! »

Lily écarquilla grand les yeux. Oh la salope ! Elle avait osé dire un truc pareil à Luna et faire passer ça pour ses paroles à elle ?! Une étincelle de colère froide étincela dans les yeux de Lily quand elle répondit d’un ton aussi glacial que calme.

« Tu crois vraiment que j’aurais pu lui dire une chose pareille ? Luna, réfléchis, est-ce que moi, je me serais montrée aussi méchante, comme ça, gratuitement ? »
« Je sais bien que tu ne l’aimes pas, tu me l’as dit toi-même ! »
« Oui, et c’est pour ça que je ne reste pas avec toi quand elle est là, parce que je ne l’aime pas ! Mais pourquoi je serais allée l’insulter ?! »
« Mais parce que tu es jalouse qu’elle et moi on soit amies ! »
« Jalouse ? D’elle ? »

Lily éclata de rire sans pouvoir se contrôler. Ce fut la goutte de trop pour Luna, qui lui mit une grosse gifle. Mauvais réflexe. Lily, entraînée depuis l’âge de sept ans pour devenir une garde royale, réagit avec vivacité. Elle attrapa le poignet de Luna, lui tordit, et lui balança un gros coup de poing dans le ventre ainsi qu’un coup de tête dans le nez, rendue agressive par la douleur cuisante de sa joue et de son amour-propre. Elles furent rapidement séparées par les professeurs. Avec un dernier regard de colère envers elle, Luna s’en alla en boitillant. Lily la suivit du regard, et leva les yeux vers Rose, qui la regardait avec satisfaction. Alors, la sorcière la fixa avec tout le mépris hostile qu’elle possédait, décidant brusquement de ne plus cacher à quel point elle se foutait d’elle. Puis elle fit le geste universel de la provocation. Deux doigts vers ses yeux, puis vers les yeux de Rose, tout ça avant de faire craquer ses points avec un bruit sinistre, pour lui signaler qu’à partir de maintenant elle la surveillait et comptait bien lui rendre la monnaie de sa pièce. Rose pâlit et cessa brusquement de sourire, ce qui fit esquisser un sourire carnassier à la rousse. Visiblement, elle était une menace de poids pour cette salope manipulatrice …



Appuyée contre un mur, Lily attendait. Trois semaines venaient de passer depuis sa dispute avec Luna, et Rose, sachant sans doute qu’elle se vengerait, restait collée à sa copine comme la grosse lâche qu’elle était. Mais Lily avait vite remarqué qu’il y avait un cours où Rose sortait seule de la salle, et où Luna la rejoignait plus tard. Pas aujourd’hui, le proviseur l’avait appelée dans son bureau pour quelque obscure raison, et Rose ne le savait pas, mais Lily, oui. Aussi, quand Rose sortit de sa salle de classe la dernière, elle se retrouva nez à nez avec Lily. Elle tenta de reculer, chercha une issue, mais Lily l’avait attrapée au col pour la plaquer avec violence contre le mur, sans tenir compte de la douleur que cela devait engendrer.

« Toi et moi, faut qu’on discute. »
« Lâche-moi ! »
« Sinon quoi, tu vas tout raconter à maman ? »

Le ton moqueur de Lily figea Rose. Cette dernière avait bien compris que la rouquine ne se moquait pas du fait qu’elle était orpheline, mais qu’elle n’était pas foutue de se débrouiller seule et restait collée aux pattes de Luna comme un parfait petit caniche, comme un boulet au pied d’un condamné. Rose gigota et Lily resserra sa prise sans efforts, tirant un gémissement de douleur à la fille plaquée contre le mur. Bien fait.

« Monter Luna contre moi, c’était une idée à la con. C’est quoi ton problème, Rose ? C’est quoi cette jalousie mal placée ? Luna n’est pas ta petite chose que tu peux manipuler à ta guise, si elle a envie d’avoir d’autres amies que toi, tu n’as pas à la manipuler comme ça ! »
« Et toi non plus ! Tu crois que je ne te vois pas faire, avec tes bonbons, tes invitations ? »

Lily resta silencieuse quelques secondes, fixant Rose sans comprendre, sans toutefois la lâcher. Puis elle reprit la parole d’une voix vibrante de mépris.

« Ma pauvre. A-tu donc une si piètre estime des autres que tu ne saches pas ce qu’est l’amitié ? Luna est mon amie, je partage avec elle, comme j’aurais partagé avec toi si tu avais été mon amie, ce qui n’arrivera jamais, parce que les salopes manipulatrices, je les sens venir à des kilomètres. »

Rose remua, estimant sans doute qu’il en était assez de tout ceci. Lily aussi l’estimait, toucher une ordure pareille la révulsait comme pas permis. Alors elle la lâcha. Et brusquement, elle appuya ses deux doigts sur le plexus solaire de Rose, comme si elle lui plantait un revolver dans la poitrine. Rose hoqueta, et expira d’un coup tout son air, devenant rouge de suffocation. Lily choisit ce moment pour devenir réellement menaçante.

« Ecoute-moi bien, sale garce, parce que je ne le répéterai pas. Si tu t’avises encore de foutre la merde entre Luna et moi, je te massacre, et pour de vrai cette fois, pas seulement dans tes délires mythomanes. Vu ? »

Elle appuya légèrement, et Rose gémit de douleur, avant d’hocher faiblement la tête. Sa peur imprégnait tout l'atmosphère autour d'elle, montrant à la rouquine à quel point l'autre imbécile la craignait, en fait. Lily baissa la main, et la jeune moldue s’écroula en tremblant, cherchant désespérément de l’air. Satisfaite, la rouquine se tourna et la planta là, retournant rejoindre ses rares camarades sorciers pour aller manger avec eux. Que Rose se le tienne pour dit, car Lily n’hésiterait pas du tout à mettre ses menaces à exécution.



Lily jura, et donna un coup de pied dans un caillou, qui lui fit le plaisir de faire une belle parabole avant de tomber avec un plouf retentissant dans le petit ruisseau. Derrière elle, Luna traînait des pieds sans la regarder, les sourcils froncés. Un de leur professeur avait eu la bonne idée de les mettre ensemble pour faire un exposé. De ce fait, elles devaient aller chez Lily pour travailler, et comme cela ferait rentrer Luna trop tard à l’orphelinat, elle dormirait chez les Potter. Bonheur ! Rose avait fait la tête, et Lily aussi. Et maintenant, elle rentrait chez elle avec Luna sur ses talons, Luna qui avait préféré croire les malversations de sa tarée de copine plutôt que de lui laisser la moindre chance de s’expliquer. Rentrant chez elle, Lily posa les clés sur la table, caressa la tête de son molosse qui sautillait partout comme un fou, et posa son sac près de la table pour se laisser tomber sur une chaise, impavide.

« Faut qu’on s’y mette. »

Luna haussa les épaules en s’asseyant face à elle, sortant de son sac ses feuilles de cours pour leur exposé. Elle finit par lever les yeux vers Lily, qui commençait à écrire sur sa feuille.

« Lily, il faut qu’on parle. »
« Non, merci, je n’ai aucune envie de parler de cette conne. »
« Ne la traite pas de conne, s’il te plaît. »
« Je la traite comme je veux, je suis chez moi, si t’es pas contente tu connais la sortie. »

Ainsi rabrouée, Luna plissa les yeux, et les baissa vers sa feuille de cours, boudeuse. Qu’à cela ne tienne, qu’elle boude, Lily n’en avait rien à faire. Il était hors de question qu’elle dise à Luna que cette dernière lui manquait et qu’elle s’en voulait de l’avoir frappée. De toute manière, Luna l’avait frappée la première, et pour une raison non valable, en plus. Au bout de quelques minutes, le silence fut à nouveau rompu, mais par Lily cette fois.

« Je trouve ça dément que tu aies gobé ses histoires sans me laisser ne serait-ce que la possibilité de le défendre. Notre amitié compte-t-elle donc si peu pour toi, que tu montes dans les tours comme ça parce qu’elle t’a murmuré à l’oreille que je l’ai insulté sans chercher à écouter ma propre version des faits ? »

Le langage presque policier de Lily sembla surprendre Luna. Les gens avaient un peu tendance à oublier que la jolie rouquine à l’air si doux était la descendante directe d’une famille de gardes du corps et de protecteurs royaux depuis au moins deux siècles.

« Je me suis un peu emportée. »
« Un peu ? Tu m’as accusée et tu m’as giflé, je te signale. »
« Je te rappelle que juste après, tu m’es tombée dessus. »
« Oui, juste après, comme tu le dis si bien. »

Elles s’envoyèrent un regard chargé d’hostilité.

« De toute manière, tu sais quoi ? Je ne vais pas perdre mon temps avec toi, je vois bien que tu n’en as rien à foutre de notre amitié. »
« Je t’interdis de dire ça ! »
« Ah ouais ? Il a suffi que cette conne te dise que j’ai été prétendument méchante avec elle pour que tu grimpes sur ton cheval blanc pour protéger mademoiselle du méchant dragon, sans même chercher à savoir ce qu’il s’est réellement passé, parce que c’est bien connu, ma famille est riche à n’en plus pouvoir, ce qui fait de moi une connasse arrogante, et Rose devient la victime parce qu’elle est une pauvre petite orpheline et que le monde entier passe son temps à lui reprocher ! »

Luna accusa le coup en ouvrant de grands yeux surpris, comme si elle ne se doutait pas que Lily en avait autant sur le cœur après leur dispute.

« T’es sûre qu’on est vraiment amies ? Il se passe quoi si on se réconcilie ? La prochaine fois que Rose vient chialer que je lui ai fait du mal, tu me recolles une tarte sans prévenir ? C’est ça pour toi l’amitié, prendre pour argent comptant ce qu’elle te dit et croire dur comme fer que moi, je serais capable de faire ou de dire une chose pareille ?! »

Sous le coup de la colère, Lily s’était levée, manquant presque de renverser sa chaise. Elle se rassit en se laissant tomber lourdement, récupéra son stylo, et recommença sa rédaction. Elle n’avait plus envie de parler de ça. Ce n’était pas l’avis de Luna, qui reprit la parole malgré le mur d’hostilité de sa camarade.

« Tu me manques, tu sais. »

Lily ne répondit pas, se contentant de hausser les épaules avant de changer de stylo pour surligner en rouge. Cela ne découragea pas la jeune moldue.

« J’ai été bête de réagir comme ça. C’est vrai, je sais bien que tu ne dirais jamais une chose pareille, pas toi, tu n’es pas comme ça. Mais quand on dit du mal de Rose, je m’énerve d’un coup, et tu le sais, alors … Voilà. »

Elle ne s’était pas excusée, et ne le ferait probablement pas. Lily esquissa un sourire, reconnaissant en Luna ses propres défauts, dont celui de ne pas s’excuser mais de se faire pardonner. Mais Lily n’avait aucune envie de lui pardonner car, comme elle l’avait dit, elle savait très bien que dès que Rose la pointerait du doigt, Luna chevaucherait à nouveau l’hippogriffe pour venger sa copine alors que cette dernière lui ment et la manipule effrontément. Mais en relevant les yeux, Lily vit dans le regard de son amie qu’elle lui manquait pour de vrai, et qu’elle était vraiment désolée. Alors elle appliqua la technique habituelle. Passer l’éponge, tirer les stores, appelez ça comme vous le voudrez, mais bref, oublier. Elle lui fit un demi-sourire, et changea brutalement de sujet, comme si rien de tout cela ne venait de se produire.

« Et sinon, tu veux boire quelque chose ? »

Luna retint une exclamation amusée, et hocha la tête. Alors Lily se leva pour aller chercher à boire, et revint en jetant adroitement des gnomes au poivre et des plumes en sucre sur la table, faisant pétiller les yeux de sa camarade de classe qui lui sourit. Il avait suffi d’une engueulade et de quelques mots pour passer l’éponge, même si au fond d’elle, la jeune sorcière savait pertinemment que s’il reprenait l’envie à Rose de la pointer du doigt, son amitié avec Luna exploserait aussi sec.



Potter. Avec un P en début de nom de famille, elle passerait à la fin. A la fin ! Quelle poisse ! Debout au milieu des élèves de première année, Lily attendait patiemment que la cérémonie se termine pour passer à son tour. Elle n’avait aucune envie d’être là. En plus, elle n’aimait pas du tout la manière dont les élèves assis à table regardaient ceux encore debout, comme pour pronostiquer leurs maisons. Et cela lui déplaisait fortement d’entendre les gens dire qu’elle finirait à Gryffondor ! Elle n’avait aucune envie de partir à Gryffondor. La veille, elle avait passé sa journée entière avec Luna, à lui parler de Poudlard et de tout le stress qu’elle avait à y aller. Les cours, la magie, la répartition, tout ça. Elle avait peur de la réaction de ses parents si elle n’allait pas à Gryffondor, mais en même temps, elle ne voulait pas aller à Gryffondor. Elle savait qu’elle y aurait sa place, au milieu des casse-cous et des provocateurs, tout comme elle savait que la grandeur d’âme chevaleresque des lions lui faisait défaut. Lily n’agissait que pour elle, et si elle le faisait pour les autres, c’était en échange de quelque chose, pas comme ça, gratuitement, parce que la personne a des ennuis ou lui paraît sympathique.

« Potter, Lily ! »

Quoi, déjà ? Lily sortit des rangs, et d’un coup, les regards se focalisèrent sur elle. Elle les sentait brûler son dos avec intensité, et se retint d’hausser les épaules. Vous pensez que ça suffit à l’impressionner, ou quoi ? S’asseyant sur le tabouret, elle jeta à la salle un regard de défi borné alors qu’elle les voyait pronostiquer à voix basse pour deviner sa maison. Gryffondor. Gryffondor. Gryffondor, tu crois ? Ouais, Gryffondor, c’est une Potter après tout, ils sont tous allés à Gryffondor. Le chapeau élimé frôla sa tête.

« SERPENTARD ! »

Il y eut un grand silence, tout le monde ayant pronostiqué qu’elle finirait à Gryffondor. Avec un soulagement indescriptible et un haussement de sourcil plein de défi, Lily se dirigea vers la table des serpents, qui tapaient leurs couverts sur la table pour souhaiter la bienvenue à la petite Potter, la première à rompre la tradition familiale et la longue lignée de lions au cœur vaillant.



Lily n’avait pas été longue à se faire des amis à Poudlard. Pour commencer, elle avait repoussé avec mépris tous ceux qui lui tournaient autour à cause de son nom de famille, et au final, elle était devenue amie avec le seul qui avait décidé de l’ignorer, Jameson Alexander Weasley, affectueusement surnommé James par sa famille. Lily et James. James et Lily. Purée, mais en fait le destin se fout ouvertement de leur gueule. Au départ, James avait décidé de l’ignorer parce qu’il la pensait identique à tous ces nobles débarquant à Poudlard. Snob, hautaine, méprisante, le genre de précieuse qui reste avec les autres nobles à ricaner des roturiers et à chercher le moindre défaut parmi ses pseudos semblables. Il fut agréablement surpris de voir que la rouquine était comme lui. Simple, méfiante, et que les moldus, bah, elle les aimait bien. Après tout, Luna n’était-elle pas une moldue ? Lily et James devinrent un duo de choc, presque maléfique. Ils ne s’en prenaient à personne, mais quand on s’en prenait à l’un, l’autre n’était pas loin pour casser la gueule de l’importun. Par exemple, quelqu’un qui leur disait en face qu’il ne manquait plus qu’un Granger collé à leurs basques.

« POTTER ! WEASLEY ! »

James et Lily récupéraient un nombre incalculables d’heures de colle. Dans leur sale commune, certains disaient en riant qu’ils faisaient une compétition pour voir qui en aurait le plus. Le règlement n’était pas vraiment leur fort, et le père de Lily grinçait des dents en voyant que sa fille, la fille des plus grands protecteurs royaux du monde magique, se permettait de bafouer ainsi le règlement. Plus d’une fois, ils recevaient des beuglantes de la part de leurs parents, et se contentaient de cocher leurs calendriers respectifs en riant et en imitant la voix des parents de l’autre. Là, Lily savait qu’elle allait recevoir une nouvelle beuglante, parce qu’ils venaient juste de se faire attraper alors qu’ils étaient assis sur un toit à regarder le ciel. En pleine nuit. Hors des heures légales de couvre-feu. Les deux Serpentard échangèrent un coup d’œil et un sourire en coin, et s’immobilisèrent dans le couloir, placide.

« Qu’est-ce que vous faites dehors ?! »
« On voulait voir la pleine lune, professeur. »

Les yeux du prof de métamorphose s’ouvrirent en grand, et Lily se mordit la langue pour ne pas rire. Cela lui attirerait des ennuis encore plus gros.

« La … La pleine lune ?! »
« Oui professeur. Ce soir, elle était bien ronde, bien jaune, et entourée d’étoiles, c’était magnifique. Bon, le temps s’est couvert et il a commencé à faire froid, alors on est descendus pour éviter la pluie. »

Les yeux du professeur s’agrandirent plus encore, le faisant ressembler à une chouette, et ce fut au tour de James de lutter pour ne pas éclater de rire. Finalement, le prof soupira de lassitude.

« Nom de nom. Après vos parents à tous les deux, je pensais en avoir fini, mais visiblement non. Retournez à votre salle commune. Si je vous recroise, c’est la colle. »

Les deux Serpentard hochèrent posément la tête, et filèrent dans les couloirs en étouffant leurs rires. Ils l’avaient échappé belle ! Lily imaginait leur prof, appuyé à la fenêtre, en train de regarder la lune … Rapidement, ils retournèrent dans les cachots, murmurèrent le mot de passe et se laissèrent tomber sur les canapés.

« Alors comme ça, on est vraiment comme nos parents ? Quand je pense que mon père me reproche mes écarts de conduite dans des beuglantes … Je lui rapporterai ces mots, tiens ! »
« Et moi à ma mère, elle n’arrête pas de me dire que le Quidditch, ce n’est pas pour les Weasley … Sérieux, Fred et Georges étaient les plus grands batteurs de leurs temps, et Ginny a fini poursuiveuse d’une équipe de Quidditch ! »
« De la meilleure équipe de Quidditch du monde, espèce d’amateur. »
« La meilleure ? C’est qu’une bande de filles … »

Il se reçut de plein fouet un coussin dans la tête, coussin qui étouffa son éclat de rire face à la réaction de Lily. Mauvaise idée de surnommer les Harpies devant elle, c’était une fan inconditionnelle de cette équipe ! Finalement, la rouquine vira le coussin pour s’installer dans les bras de son ami, qui les referma doucement autour d’elle. Les escapades sur les toits faisaient quand même parti de ses moments préférés … Elle aurait tellement aimé que Luna puisse assister à ça un jour !



Perchée sur son balai, à huit cent mètres du sol, Lily attendait, observant le terrain avec application. L’équipe de Serpentard jouait contre Poufsouffle, et pour une raison inexpliquée, les Poufsouffle se montraient très mauvais joueurs aujourd’hui. Les poursuiveurs avaient déjà commis trois fautes chacun, dont un croc en manche sur leur attrapeuse. Alice s’était mise à hurler des injures à la volée et Lily avait violemment balancé un cognard vers le Poursuiveur, en même temps que James par ailleurs. Le poursuiveur s’était mangé deux cognards en pleine tête, ce qui avait fait hurler les Poufsouffle dans le stade, mais le professeur de Quidditch, qui servait d’arbitre,  avait compté la faute pour Poufsouffle et non pour eux, et une ovation délirante était montée du côté des Serpentard. Mais Lily était fatiguée des sales manœuvres des Poufsouffle. En sifflant avec force, elle attira l’attention de James et lui fit d’amples mouvements du bras. Elle fit une roulade du paresseux pour éviter un cognard au moment où il lui répondait d’un bref salut militaire, portant deux doigts à sa tempe pour lui signifier la réception du message. Un nouveau cognard siffla vers elle, et elle frappa un grand coup dedans pour l’envoyer vers le poursuiveur de Poufsouffle en possession du souafle. Surpris, il lâcha la balle, et un poursuiveur de Serpentard fila droit dessous pour la récupérer, couvert par le souafle expert envoyé par James, qui siffla entre lui et un autre poursuiveur de Poufsouffle qui filait vers lui. Le Serpentard tira, et au moment où il allait marquer, un Poufsouffle traversa les anneaux pour récupérer le souafle.

« Rembarrage ! Pénalité de tir en faveur de Serpentard ! »

James se porta à sa hauteur, les sourcils froncés, quand l’arbitre leva les deux mains pour marquer la mi-temps, ou plus ou moins. Lily redescendit au sol, imitée par son équipe. Le badge de capitaine qui brillait sur sa poitrine lui assurait l’obéissance de sa petite troupe disparate.

« Putain, mais ils trichent depuis le début du match ! »

Lily hocha la tête en se grattant la tempe, et un jetant un coup d’œil au tableau des scores. Puis elle pencha la tête et les autres l’imitèrent.

« Ils leur manquent cent cinquante points pour gagner la Coupe de Quidditch. En trichant, ils nous énervent, et en nous énervant, ils s’assurent qu’on soit trop remontés pour jouer. Ils espèrent qu’on marquera moins de points, et qu’on laissera échapper le vif. »

James lâcha un petit sifflement admirateur.

« Mazette, c’est fourbe, c’est une technique de Serpentard ça normalement. »
« On va utiliser toutes les ruses qu’on connaît. Toutes nos attaques, nos revers, nos feintes. Qu’on se fasse confiance les uns les autres. Si vous êtes acculés, lancez le souafle en l’air, James et moi on s’occupe de le renvoyer à l’un d’entre nous. Alice, oublie le match. Ta priorité, c’est le vif d’or. Localise-le, et attrape-le dès qu’on dépasse les cent points. Si Poufsouffle le localise avant, siffle-nous, on dégagera le vif. Compris ? »

Les Serpentard hochèrent la tête et remontèrent sur leurs balais. Lily resserra ses jambes autour de son propre balai, une Pointe d’Asgard, réputé meilleur balai du monde, qu’elle s’était acheté seule avec ses économies, merci pour elle. Le match recommença, et les Serpentard lui obéirent à la lettre. Ils laissèrent les Poufsouffle accumuler des fautes sans s’énerver, rattrapant considérablement leur retard de points. A chaque fois qu’un poursuiveur était cerné, il lançait son souafle en l’air, et une frappe agile de James ou d’elle envoyait un cognard percuter la balle pour l’envoyer ailleurs, où un autre poursuiveur la réceptionnait. La seule fois où Alice siffla, les deux batteurs frappèrent le même cognard pour l’envoyer droit vers le vif d’or, manquant au passage de détruire le manche du balai de l’attrapeur de Poufsouffle. Serpentard dépassa les cent points. Puis cent cinquante. Les Poufsouffle commencèrent à devenir nerveux. Et d’un coup, Alice et son adversaire filèrent comme deux flèches vers un petit point doré. Avec rapidité, Lily agit, faisant filer son balai sur la trajectoire d’un cognard pour l’envoyer droit vers le poursuiveur de Poufsouffle. Alice effectua une roulade du paresseux pour esquiver le cognard, puis se redressa, la main tendue, pour saisir le vif d’or, pendant que l’autre attrapeur partait à la dérive après avoir esquivé le cognard. Puis elle se leva sur son balai pour effectuer un balai surfé. Il y eut des hurlements au moment où un cognard siffla près d’elle. Alice chuta de son balai, et James fila comme une flèche pour attraper sa sœur avant qu’elle ne tombe au sol. Elle serrait le vif d’or dans sa main.

« Cent cinquante points pour Serpentard ! Serpentard gagne la coupe ! »

Des grondements assourdissants montèrent des gradins. Lily atterrit au sol et se précipita vers Alice pour la serrer dans ses bras, vite imitée par les autres. Ils venaient de gagner la coupe, l’ambiance était à la joie, ils allaient faire la fête dans leur salle commune !



La fin de l’année scolaire arrivait à grands pas. Les cinquièmes et septièmes années stressaient à mort pour leurs examens. Lily avait passé les siens, ceux de quatrième année, et attendait maintenant de rentrer chez elle. Du moins, jusqu’à ce qu’elle reçoive une drôle de lettre anonyme, prétendument envoyée pour son bien, pour qu’elle s’éloigne des mauvaises personnes avant d’y perdre la vie. Cette lettre la préoccupait, et elle avait envoyé un texto à James pour lui demander de la rejoindre. Ce dernier ne fut pas long, et s’installa à côté d’elle dans les gradins du terrain de Quidditch. Son tee-shirt laissait deviner ses muscles de batteur, et elle imaginait aisément tous les regards qui s’étaient tournés vers lui quand il la rejoignait. Il lui heurta l’épaule pour la réveiller un peu.

« Bah alors, t’as un problème Potter ? »

Sans lui répondre, Lily lui tendit la lettre. Curieux, James la prit et la déplia pour la lire. Cela prit quelques secondes, puis il esquissa un sourire avant de la lui rendre. Lily se tourna vers lui en attendant sa réponse, mais il se contenta d’un très léger rire qui ne lui plut pas.

[color=yellowgreen« C’est tout ce que tu trouves à dire ? »[/color]
« Et que veux-tu que je dise d’autre, ma grande ? »

D’un geste sec, Lily déplia la lettre, et ses yeux gris parcoururent les lignes écrites en lançant des éclairs de colère.

« Je ne dis pas ça pour te faire du mal, au contraire je ne veux que ton bien, mais sache que tes amis ne sont pas ceux que tu croient. Luna, par exemple, cache un lourd secret. Pas celui de ses origines, mais de ses études. Cette école d’art est un artifice, un leurre, en réalité c’est à la Shakespeare School que sont formés les chasseurs, les tueurs de sorciers, et Luna fait parti des meilleurs élèves de ce domaine. Bon sang James, qu’est-ce que je dois faire ? Qui c’est cette personne, et merde, pourquoi Luna ne m’a-t-elle rien dit ? »

James la laissa fulminer quelques secondes, avant de reprendre la parole d’une voix placide et monocorde qui eut le mérite de lui remettre immédiatement les pieds sur terre.

« Là n’est pas la question, Lily. La question, la vraie question, c’est de savoir à quel point tu fais confiance à Luna. Est-ce que tu lui fais confiance ? »
« Bah évidemment voyons ! »
« Alors dans ce cas-là, pourquoi monter directement dans les tours parce qu’un inconnu t’envoie une lettre te disant qu’elle est une tueuse de sorciers ? Si de simples ragots suffisent à te faire douter, es-tu sûre que tu es son amie ? »

Cette conversation renvoya Lily cinq ans en arrière, ce jour où Rose avait essayé de les séparer, Luna et elle. Luna l’avait immédiatement accusée sans chercher à entendre le point de vue de Lily. Et là, elle était en train de faire exactement la même chose. Lily secoua la tête, et soupira avec une pointe d’acceptation dans la voix.

« Tu as raison. Luna est mon amie, ce ne sont pas des ragots lancés par une lettre anonyme qui vont me faire changer d’avis. Le mieux serait que je lui montre la lettre pour savoir si elle a une idée de qui a pu écrire ce tissu d’horreurs et lui demander son avis. »
« Et surtout que tu découvres qui a écrit ça. Le destinateur semble bien informé sur la vie de ta copine. Le fait qu’elle soit orpheline, que vous vous connaissez depuis l’enfance, qu’elle suive des études d’art à la Shakespeare School. A mon avis, c’est quelqu’un qui la connait depuis longtemps aussi et qui veut vous séparer. »

Lily pensa immédiatement à Rose, avant d’écarter cette hypothèse. Impossible, Rose ne pouvait pas être aussi insensible … Mais surtout aussi stupide. Ca n’aurait pas été très malin d’envoyer une lettre pareille à la fille du chef de la garde royale, l’héritière directe d’une famille de tueurs de chasseurs. Il suffisait que Lily montre la lettre à son père pour que d’importantes forces soient mobilisées pour visiter cette fameuse école d’arts réputée en Angleterre.

« Je ne sais pas. J’en discuterais avec Luna. »

James hocha la tête, et commença à se rouler une cigarette. Puis il se mit à fumer, et Lily, nerveuse, lui piqua sa cigarette pour fumer aussi. La fin de l’année scolaire approchait, il ne restait plus que quelques jours, et Lily avait hâte de retrouver Luna pour lui montrer cette lettre, et tirer tout ça au clair …