Odessa Rivendell

Je suis arrivée au monde à peu près en même temps qu’un missionnaire du nom de Augustin de Cantorbéry introduisait le christianisme chez les Ango-Saxons. Vers l’an 600 donc, mais je ne me souviens pas de la date exacte. Pour tout dire, je n’ai que très peu de souvenirs de ma vie humaine. Elle ne m’intéresse de toute façon pas et a duré si peu de temps... Je sais que je suis née au Pays de Galles, sur les terres à présent nommées «Cardiff», que ma famille était pauvre, voilà tout. Je sais, ça ne fait pas grand chose, Mais tout s’est effacé, et je pense que de toute façon, ça vaut mieux. Je crois que je devais avoir un peu moins de 25 ans quand j’ai vu la lumière du jour pour la dernière fois. Ma famille a été décimée par mon créateur, mais celui-ci a décidé de me garder avec lui, de faire de moi son infante. A l’époque je ne savais rien des vampires évidemment, je n’ai pas compris tout de suite ce que j’étais devenue, et quel destin serait le mien. Etre vampire et penser qu’on va pouvoir garder son humanité est une chimère. D’ailleurs on ne le souhaite pas longtemps, je vais le découvrir bien vite après ma transformation.




Mon créateur était un couard. Il ne s’attaquait jamais qu’aux plus faibles, refusait toujours de prendre le moindre risque, et il a tenté, dès le début, de m’apprendre à être comme lui. Mais le petit oiseau que j’étais avait envie de sauter hors du nid et de découvrir le monde. J’ai découvert mes dons, ceux communs à tous les buveurs de sang, et j’en étais émerveillée. Moi qui étais si fade et effacée dans ma vie précédente, je voyais là un nouveau départ que je ne voulais pas rater. En très peu de temps, j’ai totalement zappé la douleur ressentie à la perte des miens. Ma nouvelle nature prenait de l’ampleur et je la laissais faire, parce que je savais qu’elle était ma meilleure amie, ma meilleure alliée.

J’apprenais vite, en tout cas c’est ce que me disais Caïn, et je voulais toujours en savoir plus, je voulais apprendre, encore et toujours, ce qui ne plaisait pas vraiment à celui dont j’étais l’infante. Il s’est bien vite rendu à l’évidence : il avait généré une créature qu’il ne pourrait pas garder en cage bien longtemps. Jour après jour, je me faisais plus insistante, mais il me tenait par ce lien qui unit un vampire et son infant. Jusqu’à la mort... Où jusqu’à ce que le créateur ne délie sa progéniture de ce lien. Ca, je savais que ça n’arriverait jamais.

Le tuer commençait à devenir une envie de plus en plus grande. J’avais soif de liberté, je ne supportais pas qu’il me lie ainsi les ailes pour m’empêcher de m’envoler. Plus le temps passait et plus je le haïssais. Mais il était plus vieux, donc plus fort que moi. Alors je devais le prendre par surprise, il ne devait pas s’attendre à ce que j’ai envie de me révolter. Ainsi donc je me faisais douce, ne me refusais jamais à lui. Je prenais mon temps, car je savais que la patience était une vertu indispensable quand on voulait mener ses plans à bien.

Deux décennies. Il m’a fallu deux décennies pour me débarrasser de lui. Deux décennies où j’ai joué les soumises, les vampires sans ambition, à la belle idiote. C’est au lit que les hommes sont les plus faibles, et c’est aussi vrai pour les vampires. Je le chevauchais, il n’a pas vu le pieu que j’avais dissimulé habilement non loin de là. Voilà comment j’ai mis fin à son existence, comment je me suis libérée de ces chaines qui m’empêchaient d’avancer. Le monde était à moi à présent, mais il me manquait un but, quelqu’un, ou quelque chose, pour qui j’aurais envie de me battre.





Caïn ne voulait pas voyager. Il trouvait ça inutile et dangereux. J’étais à l’opposé de cette idée idiote, alors je n’ai pas perdu de temps pour prendre la route. C’est à Alexandrie que mes pas m’ont menée, comme si c’était là que je devais aller, comme si un fil invisible m’attirait vers la cité. Je n’avais pas de but précis, je voulais juste découvrir, le savoir était pour moi une grande force et c’est à peine si je savais lire, seule chose intéressante que mon créateur avait accepté de m’enseigner. Là-bas j’ai entendu parler d’un lieu qui recelait des ouvrages merveilleux, et je m’y suis rendue sans attendre. Facile d’entrer dans un lieu interdit pour un vampire, ce fut un jeu d’enfant. Mais à peine y étais-je de quelques minutes que je fus rejointe par une autre personne. J’observais quelques secondes à travers les rayonnages l’immortelle puis me présentais à elle. Je ne pouvais cacher ma présence, mon odeur me trahissait aux yeux des miens.
Merida était son nom, et je ne savais pas à ce moment là que cette rencontre allait bouleverser toute mon existence. Nous avons beaucoup parlé cette nuit là... Enfin surtout moi, elle était plus méfiante. Mais me confier sur ce que j’avais vécu jusque là était pour moi comme une délivrance dont j’avais besoin. Et puis cette vampire m’attirait, comme si elle était le guide dont j’avais toujours eu besoin. Après quelques heures, nous nous sommes quittées, repartant chacune de notre côté.La cité renfermait mille et une merveilles que je prenais mon temps à découvrir, et quelques semaines plus tard, je recroisais la route de Merida, encore par hasard. Elle était avec son créateur, Wilfried, et j'avais saisi qu'ils avaient décidé de déménager les livres de la bibliothèque. Ignorant la raison qui aurait pu me pousser à ne pas me mêler de tout ça, je suis allée vers eux et j'ai demandé pourquoi ils voulaient faire ça. Je me rends compte aujourd'hui que c'était osé. Mais j'étais une jeune vampire à l'époque, je n'avais pas encore de plomb dans la cervelle et mon créateur avait tant voulu me préserver du danger que même après sa disparition je cherchais toujours à le contrarier. Heureusement pour moi, Wilfried ne m'en a pas tenu rigueur. Il m'a même expliqué comment il savait que l'incendie allait arriver, et imaginer cet endroit merveilleux brûler, emportant avec lui toutes ces merveilles que j'avais caressée des yeux, ça me révoltait. J'ai donc convaincu le créateur de Merida de me permettre de les aider.




Après l’épisode d’Alexandrie, j’ai continué de voyager seule. Sans doute avais-je besoin de ce temps pour me construire. J’ai visité tant d’endroits que je ne peux tous les énumérer sans que vous ne tombiez endormis, pauvres mortels que vous êtes... La liberté dont je jouissais était grisante et j’ai terminé mon apprentissage en autodidacte. Maintenant que je savais lire et écrire parfaitement, j’emmagasinais un maximum d’informations sans jamais me départir de mon enthousiasme.

Puis au bout de trois siècles, je l’ai croisé. Le sentiment amoureux m’avait jusque là été totalement étranger, aussi ais-je mis du temps à comprendre pourquoi je ne voulais pas tuer cet homme. En réalité, il était sorcier, et nous n’aurions pas dû nous entendre. Je l’ai observé, de nombreuses nuits sur ses terres en Suède, puis je lui suis apparue. Sans un mot j’ai avancé vers lui, ignorant le danger quand il a brandit sa baguette. Un baiser a suffit pour qu’il la lâche, et ce fut le début de notre histoire.

Je vous mentirais si je vous disais que son sang ne m’attirait pas. Evidemment qu’il m’attirait, bien plus que n’importe quel autre. Mais je savais que si je le mordais, je l’en viderais jusqu’à la dernière goutte et je ne pouvais m’y résoudre. Une vampire et un sorcier amants, ce n’est pas commun, et quand l’information est connue, ça fait un tollé, surtout à cette époque.

Parce que oui, les sorciers ont fini par découvrir que l’un des leurs fricotait avec une vampire. Alors choix a été donné à Odin : Soit il les aidait à me capturer, soit on lui faisait subir un «avada kedavra» après tortures. Ils ne plaisantaient pas... Mais ils ont mis un peu trop de zèle dans la première partie. Ils l’ont fouetté si longtemps que le soleil était couché avant même qu’ils ne lui fassent subir le sort létal. J’ai ainsi pu intervenir, et ma vitesse a permis qu’ils ne puisse pas régir, lançant des sorts contre quelque chose de trop rapide pour pouvoir le toucher.

Une fois à l’abri, j’ai soigné Odin. Je lui ai fait boire de mon sang pour qu’il puisse guérir, et c’est là que je me suis rendue compte à quel point je tenais à lui. Je lui ai proposé de me rejoindre pour l’éternité, et dès la nuit suivante, j’ai fait de lui mon infant, devenant à mon tour créateur. C’est ainsi également qu’est née ma haine profonde des sorciers, haine toujours présente aujourd’hui, et qui jouera un rôle capital dans mon avenir.




Cette fois, je n’étais plus seule pour voyager. Odin faisait ma fierté, je lui apprenais tout ce que j’avais appris et lui aussi, de son côté, me faisait découvrir des choses. Nous allions de pays en pays, ne nous attardant jamais, et c’est Odin qui, le premier, a commencé à s’intéresser aux sports de combat, plus particulièrement au Kendo, ou du moins à son ancêtre, qui se pratique avec des sabres. J’ai trouvé tellement agréable de le voir ainsi se battre que j’ai décidé de moi aussi m’initier à cet art martial.

J’avais trouvé ma voie, le début d’une passion. Au fil des siècles suivants, j’ai pris un malin plaisir à apprendre différentes techniques, m’entraînant avec ardeur jusqu’à les maîtriser à la perfection. Odin s’en amusait, me demandant régulièrement où j’allais m’arrêter. «Quand il n’y en aura plus aucun à apprendre !» répliquais-je à chaque fois. Je débordais d’enthousiasme, jamais je ne m’étais sentie aussi bien dans mon existence, et j’étais fière d’être vampire.

Au cours de nos nombreux voyages, j’ai eu l’occasion de recroiser parfois la route de Merida et Wilfried. Le monde est petit pour les créatures de la nuit, et j’aimais voir ces visages qui finalement devenaient familiers. Merida m’intriguait, son créateur était plus enclin à parler et je l’appréciais. Aussi, bien des années plus tard, j’ai été profondément touchée quand j’ai appris sa mort. Ca faisait un millénaire que je foulais le sol de la terre, et il était un des rares vampires pour qui j’avais de l’estime.





Après avoir fait comprendre à Merida que j’étais là en cas de besoin, j’ai donc repris ma route avec Odin. Le monde changeait, et je dois dire que c’était assez passionnant de voir tout ce qui était en train de se passer. Pour le commun des mortels, nous étions toujours, au même titre que les sorciers et les loups, une légende à laquelle personne ne croyait. Et plus le monde avançait, plus la technologie se développait, moins les histoires qui nous mettaient en scène avaient de crédit. L’heure était au rationnel, la science expliquait de plus en plus de choses et se targuait d’être la seule chose en quoi l’homme devait croire. Même Dieu, Bouddha, Allah, Yahvé devenaient de moins en moins populaires.

C’est en cette ère ou le rationalisme et l’athéisme avaient la part belle qu’un sorcier a décidé de mener sa grande guerre : Lord Voldemort. Cet événement propre au monde sorcier nous touchait également, nous les vampires. Un grand maître vampire, Arren Walden, clamait haut et fort qu’on devait s’associer avec Voldemort, afin que notre communauté soit acceptée par celle des sorciers. Cette simple idée me rendait malade. Déjà, rien ne nous garantissait, à mon sens, que Voldemort sorte vainqueur de la joute. Ensuite, rien ne nous garantissait non plus qu’on pouvait lui faire confiance, et encore moins que le monde sorcier nous accepte, même si Voldemort le décidait. Et pour finir, je haïssais le monde sorcier depuis des siècles pour ce qu’il avait fait à celui qui était devenu mon époux. Jamais je ne pourrai m’associer ou vouloir me faire accepter par ces êtres que j’avais en horreur. Heureusement, une autre voix s’élevait, et je ne fus pas vraiment surprise que ça soit celle de Merida. Nous avions les mêmes convictions, aussi j’ai décidé de la rejoindre et de lui assurer tout mon soutien, toute ma loyauté dans toute action qu’elle voudrait entreprendre.

Et une guerre, nous en avons connu une nous aussi. Une guerre interne, où je suis partie au combat, Odin à mes côtés. Merida avait décidé de renverser le roi vampire en place, et pour ça il n’y avait pas trente six solutions, il fallait le tuer. Ce roi avait ses partisans, d’autres maîtres vampires qui étaient prêts à se battre pour lui. Le combat fut acharné, et alors que Merida tuait le roi, un de ses conseillers se précipitait sur elle pour lui faire subir le même sort. Un réflexe m’a permis de l’en empêcher, et la seconde suivante, je tenais son cour dans sa main, le serrant jusqu’à le réduire en bouillie, me délectant de voir mon ennemi disparaître dans un flot de sang. Il était le dernier encore debout, nous avions gagné, Merida devenait Reine.




Aujourd’hui le monde a continué à avancer. Nous avions été affaiblis par la montée en puissance de Voldemort, raison pour laquelle nous nous sommes associés aux loups pour nous révéler. Ainsi les humains ont appris que finalement ce qu’ils croyaient légendes étaient réalités. Merida est toujours notre Reine vampire, et je suis toujours à ses côtés. En récompense de mes actions, j’ai été élue maître vampire et je fais partie de son conseil. Une prophétie prédisant que seul un sorcier pourra détrôner la reine inquiète fortement Merida, alors je suis bien décidée à découvrir qui il est pour le détruire avant qu’il ne puisse tenter quoique ce soit, et le plus tôt sera le mieux...

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